Accueil Culture Les avocats de Dmitri Rybolovlev se disent soucieux de la transparence du marché de l’art suisse

Les avocats de Dmitri Rybolovlev se disent soucieux de la transparence du marché de l’art suisse

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Leur courroux n’a pas faibli depuis le 16 septembre dernier. A cette date, Me Sandrine Giroud et Me Marc Henzelin, conseil des trusts de Dmitri Rybolovlev à Genève, prenaient connaissance de l’ordonnance de classement, annoncée neuf mois plus tôt par le premier procureur Yves Bertossa. Pour le magistrat, la plainte pour escroquerie déposée en 2017 par le Russe à Genève contre son ancien conseiller pour les achats d’œuvres d’art, Yves Bouvier, ne relève pas du droit pénal. «Les éléments constitutifs objectifs de l’infraction ne sont pas réalisés, en l’absence d’une tromperie astucieuse», écrivait Yves Bertossa à propos de la vente de 38 œuvres d’art pour plus d’1 milliard de francs, majoritairement à Genève, dans les locaux des Ports Francs dont Yves Bouvier était un locataire de poids.

Ce classement n’a pas mis fin à une querelle juridique qui dure depuis 2015, date de l’arrestation d’Yves Bouvier à Monaco suite au dépôt d’une plainte par Dmitri Rybolovlev. Comme annoncé, les conseils genevois du Russe ont fait recours contre la décision du Ministère public. Dans ce document que nous avons pu consulter, les avocats mettent l’accent, avec véhémence, sur leur regret qu’Yves Bertossa n’ait vu aucun intérêt public dans cette affaire opposant deux acteurs importants du marché de l’art. La Suisse est en effet devenue un centre important de ce secteur. Une position qui impose d’y faire régner la plus grande transparence possible.

Dans son rapport de référence paru en septembre dernier à l’occasion d’Art Basel, UBS a en effet inclus la Suisse dans le top 5 des marchés mondiaux de l’art. Les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, Hongkong, l’Allemagne et la Suisse, avaient en effet fait l’objet d’une étude basée sur des sondages menés avec 500 collectionneurs high net worth (HNW). La valeur médiane des achats d’art en Susse a crû, y apprend-on, de 111 000 dollars à 319 000 dollars entre 2019 et 2021. Plus des deux tiers des collectionneurs interrogés en juillet 2021 (70%) disaient avoir l’intention d’acheter des œuvres durant l’année, soit le taux le plus haut parmi les pays intégrés à l’étude.

Meilleure régulation

Ce lundi, c’était au tour de Deloitte de publier son rapport biennal, très attendu dans le monde de l’art. Il révèle que «le manque de transparence, la crainte de la manipulation des prix et des pratiques anticoncurrentielles sont parmi les préoccupations les plus importantes des investisseurs dans le marché de l’art». «Bien que la préférence aille à l’autorégulation pour établir la confiance et la crédibilité du marché, un nombre croissant d’acteurs du marché de l’art soutient une réglementation étatique accrue», souligne encore l’étude.

«Le manque de transparence dans un marché peut entraîner une perte de confiance si les abus ne sont pas sanctionnés», regrette Me Sandrine Giroud. Pour elle, le refus d’instruire la plainte de ses clients portant sur des œuvres de premier rang et des sommes très importantes est de nature à détériorer la confiance des acteurs dans le marché de l’art. «D’autant plus lorsque ces ventes ont été réalisées sur la base de mensonges que leur auteur prétend être des pratiques commerciales usuelles dans le marché», soutient-elle. Ce cas est scruté par les observateurs du monde de l’art depuis le début de ce dossier. «Il est pourtant essentiel que cette affaire, l’une des plus graves que le monde de l’art ait jamais connues, soit dûment instruite et enfin jugée au fond, qui plus est en Suisse, l’un des principaux centres internationaux du marché de l’art afin d’amener la sécurité et la transparence dont il a besoin», résument les conseils.

Autre argument développé dans le recours: le classement par opportunité ne serait pas compatible avec le Code de procédure pénale qui ne prévoit une telle décision qu’en des circonstances très restreintes. Si le classement permet de boucler des affaires complexes quand les parties impliquées sont d’accord, elles ne le sont pas ici.

Irrégularités à Monaco

Enfin, Yves Bertossa s’appuie sur le fait que la justice monégasque a purement et simplement annulé les procédures entamées par Dmitri Rybolovlev tant l’instruction par la justice locale était entachée d’irrégularités. Or, pour les avocats du Russe, l’afflux d’autres éléments dans leur plainte, ayant trait notamment aux relations entre Yves Bouvier et des maisons de vente aux enchères, justifie une instruction complète.

A ce propos, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) est récemment allée dans le sens de Dmitri Rybolovlev et de son ancienne avocate Tetiana Bersheda. Lors de l’instruction monégasque, le juge avait saisi le téléphone de cette dernière pour vérifier l’authenticité d’enregistrements produits dans la procédure. Or, il a profité de la saisie pour consulter l’entier des informations contenues dans le smartphone.

C’est ainsi d’ailleurs que les relations dangereuses entre l’appareil judiciaire monégasque et le clan russe avaient été mises au jour. Or, le CEDH a admis le recours de l’avocate et l’a transmis à Monaco pour détermination, le 21 septembre dernier. Si la cour devait confirmer cette direction, cela représenterait un nouveau rebondissement dans une affaire qui n’en manque pas.

Lire l’article original sur letemps.ch

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