Le droit familial monégasque évolue avec la publication au Journal Officiel de la loi n° 1-577, qui modifie en profondeur les règles régissant la résidence des enfants après la séparation des parents. Cette réforme, adoptée à l’unanimité par le Conseil national, répond à une attente de longue date et aligne Monaco sur les standards européens en matière de coparentalité.
Un système précédemment verrouillé
Jusqu’à présent, la législation monégasque, issue de la loi n° 1-450 de 2017, posait deux conditions strictes à l’établissement d’une résidence alternée : l’enfant devait avoir plus de trois ans et, surtout, les parents devaient être d’accord sur ce mode de garde. En cas de désaccord, même minime, le juge tutélaire était contraint de désigner un domicile principal chez l’un des parents.
Cette rigidité avait conduit les magistrats à développer des solutions de contournement. Pour maintenir des liens équilibrés entre l’enfant et ses deux parents, ils accordaient souvent des droits de visite « élargis » qui, dans les faits, s’apparentaient à une forme d’alternance sans pouvoir la nommer officiellement.
La réforme résulte d’une proposition de loi déposée en juin 2024, transformée en projet gouvernemental en avril 2025, puis adoptée à l’unanimité par le Conseil national le 18 juin dernier.
Un pouvoir accru pour le juge
Désormais, le juge tutélaire peut, « à la demande de l’un des parents ou en cas de désaccord », ordonner une résidence en alternance. L’ancien verrou de l’accord parental obligatoire a été supprimé de l’article 303-3, ouvrant ainsi la voie à de nouvelles possibilités pour les familles séparées.
Une période d’essai
L’originalité du dispositif monégasque réside dans la possibilité d’instaurer une période d’essai. Le juge peut d’abord ordonner l’alternance à titre provisoire, pour une durée qu’il détermine librement, avant de statuer définitivement. Cette phase transitoire, inspirée du modèle français, permet d’évaluer concrètement si cette organisation répond bien à l’intérêt de l’enfant en prenant en compte des éléments pratiques comme la distance entre les domiciles parentaux, l’organisation scolaire ou la disponibilité des parents.
Des bénéfices pour les familles
En supprimant la possibilité pour un parent d’opposer un veto systématique à l’alternance, la Loi élimine un levier de conflit majeur. L’enfant peut ainsi maintenir des relations équilibrées avec ses deux parents sans être otage de leurs désaccords.
Pour les enfants concernés, la résidence alternée offre l’avantage de conserver des repères dans leurs deux foyers familiaux. Cette continuité relationnelle est désormais reconnue comme un élément important du bien-être de l’enfant, à condition que les modalités pratiques soient adaptées à sa situation particulière.
Un alignement sur les standards européens
Monaco rejoint ainsi la France qui, depuis 2002, permet aux juges d’imposer l’alternance sans accord parental préalable. La Principauté conserve néanmoins certaines spécificités, notamment le maintien du seuil d’âge de 3 ans et la possibilité d’une période d’essai à la discrétion du juge tutélaire.
En transformant la résidence alternée d’exception en option ordinaire du droit de l’autorité parentale, la loi n° 1-577 marque une évolution significative dans l’approche monégasque de la coparentalité. Sans céder sur l’impératif de protection de l’enfant, elle reconnaît l’importance de maintenir des liens équilibrés avec les deux parents après une séparation.