Alors que l’usine de Fontvieille arrive en fin de vie, Gouvernement et élus s’opposent publiquement sur la solution à adopter. Un conflit qui intervient dans un timing particulièrement délicat.
La gestion des déchets monégasques fait l’objet d’un bras de fer institutionnel. Jeudi 10 juillet, le Gouvernement et le Conseil national ont publié simultanément deux communiqués aux positions diamétralement opposées, révélant au grand jour les tensions qui entourent ce dossier crucial pour l’avenir de la Principauté.
Le Gouvernement tranche pour une solution locale
Dans son communiqué, le Gouvernement annonce sa décision : maintenir le traitement des déchets à Monaco en construisant une nouvelle Unité de Valorisation Énergétique sur le site actuel de Fontvieille. Cette position s’appuie sur une expertise juridique récente qui révèle que l’exportation de tous les déchets vers la France ou l’Italie présenterait « des risques juridiques importants » au regard du droit international et européen.
L’exécutif justifie ce choix par la nécessité de préserver l’autonomie de la Principauté et de maintenir un modèle énergétique unique : le quartier de Fontvieille tire actuellement 95% de sa chaleur, 30% de son froid et une partie de son électricité du traitement des déchets. « Supprimer cette capacité reviendrait à remettre en cause un équilibre construit depuis des décennies », affirme le Gouvernement.
Le Conseil national dénonce une « provocation inutile »
La réaction du Conseil national ne s’est pas fait attendre. Thomas Brezzo, président de l’assemblée élue, qualifie cette communication d' »inopportune » et de « provocation inutile », intervenant à moins de deux semaines de l’arrivée du nouveau Ministre d’État Christophe Mirmand le 21 juillet.
Les élus reprochent au Gouvernement de ne pas avoir communiqué les études juridiques sur lesquelles il s’appuie, malgré leurs demandes répétées depuis plusieurs mois. « Au regard des études juridiques indépendantes réalisées à la demande du Conseil National, il est manifeste que le Gouvernement ne cherche qu’à valider l’hypothèse qu’il a lui-même préétablie », dénonce Thomas Brezzo.
Un historique chaotique qui pèse lourd
Pour comprendre cette tension, il faut revenir sur l’historique du dossier. Pendant des années, le Gouvernement a présenté le projet « Symbiose » comme « LA SEULE solution réalisable ». Ce projet, qui devait traiter les déchets hors de Monaco, a finalement été abandonné après que ses coûts aient doublé et que de nombreuses contraintes techniques soient apparues, notamment la nécessité de déplacer plus de 200 caveaux au cimetière.
Le Conseil national rappelle que « des dizaines de millions d’euros » ont été « dépensés en pure perte » sur ce projet. Une situation qui explique en partie la méfiance actuelle des élus envers les annonces gouvernementales.
L’épée de Damoclès budgétaire
Face à ce qu’il considère comme un manque de transparence, le Conseil national sort l’arme budgétaire. Thomas Brezzo prévient que les élus « ne seront pas en mesure d’adopter les lois de budget qui intègrent la reconstruction de l’usine, tant que nous ne disposerons pas de l’ensemble des éléments et des informations permettant d’éclairer utilement notre décision. »
Cette menace s’étend même à « l’ensemble des projets d’importance qui concernent le Budget de l’État afin d’éviter le gaspillage des fonds publics ».
Les citoyens dans l’attente de clarté
Au-delà des tensions institutionnelles, cette situation place les Monégasques et résidents dans une position d’attente inconfortable. L’usine actuelle, construite en 1980, doit être remplacée rapidement. Mais entre les études juridiques contradictoires, l’absence de plafond budgétaire communiqué et les échecs passés, difficile pour les citoyens de savoir quelle solution servira au mieux leurs intérêts.
Le Conseil national soulève d’ailleurs une question troublante : si l’externalisation des déchets ménagers pose des problèmes juridiques, qu’en est-il des 220 000 tonnes d’autres déchets déjà traités à l’extérieur ?
Un nouveau départ ?
L’arrivée de Christophe Mirmand comme nouveau Ministre d’État pourrait-elle débloquer la situation ? Thomas Brezzo appelle à « ouvrir des discussions empreintes de sérénité nécessaire à l’établissement d’une relation de confiance réciproque dans l’intérêt supérieur de la Principauté ».
Reste à savoir si ce dossier, symbole des tensions entre les deux institutions, trouvera enfin une issue constructive. Pour les Monégasques, l’enjeu dépasse la simple gestion des déchets : il s’agit de la capacité de leurs institutions à travailler ensemble pour l’avenir de leur territoire.
L’usine de Fontvieille traite actuellement les déchets ménagers de la Principauté depuis 1980. Son remplacement conditionne l’autonomie énergétique d’une partie de Monaco et engage les finances publiques pour plusieurs décennies.