Accueil Politique Passe d’armes entre le Conseil National et le Gouvernement

Passe d’armes entre le Conseil National et le Gouvernement

0 3 minutes read

Les élus sortent l’artillerie lourde, l’exécutif riposte par un communiqué cinglant

Une guerre des mots secoue la Principauté depuis le 27 mai. D’un côté, le Conseil national de Thomas Brezzo qui dégaine un réquisitoire sans concession contre « l’inertie gouvernementale ». De l’autre, un gouvernement princier qui sort de sa réserve pour dénoncer des « critiques blessantes et injustifiées ». Derrière cette escalade verbale, des tensions institutionnelles qui semblent s’installer à Monaco.

L’offensive du Conseil national : un timing calculé

Le 27 mai 2025, Thomas Brezzo et ses collègues élus n’y sont pas allés par quatre chemins. Lors d’une conférence de presse, ils dressent un inventaire à la Prévert des « dysfonctionnements » gouvernementaux : projet CTVD abandonné après des années (coût : un milliard d’euros !), centre commercial de Fontvieille en état de « délabrement », fusion télévisuelle dans l’impasse, embouteillages monstres lors du Grand Prix…

Le message est clair : après 130 jours d’intérim gouvernemental, « ça suffit ». Les élus réclament des « actes concrets » et pointent particulièrement du doigt la Direction des Affaires Juridiques, accusée d’entraver la publication de textes essentiels.

Mais le timing de cette sortie médiatique n’est pas anodin. À quelques jours seulement des réunions prévues avec le gouvernement sur ces mêmes dossiers, les élus choisissent délibérément la voie publique plutôt que le huis clos institutionnel.

La riposte gouvernementale : défense ferme et repositionnement

Trois jours plus tard, la réponse tombe. Sèche, ferme, le communiqué gouvernemental du 30 mai adopte une stratégie de défense institutionnelle.

Premier axe : protéger ses équipes. Le gouvernement dénonce des « critiques blessantes » envers ses fonctionnaires et met en avant le travail de la Direction des Affaires Juridiques, qualifiée de « remarquablement productive ».

Deuxième angle : questionner le calendrier. L’exécutif s’étonne du « moment choisi » par les élus et souligne que des réunions étaient déjà programmées sur ces dossiers pour juin 2025.

Choix stratégique : le gouvernement privilégie une approche procédurale en rappelant que les réunions institutionnelles prévues permettront d’exposer « les avancées réalisées par les services ». Une manière de renvoyer le débat vers les instances appropriées plutôt que sur la place publique.

Querelles en coulisses

Cette passe d’armes cache en réalité une bataille d’influence plus profonde. D’un côté, un Conseil national qui use de sa légitimité démocratique pour faire pression sur un exécutif affaibli par l’intérim prolongé. De l’autre, un gouvernement qui tente de préserver son autorité en jouant la carte institutionnelle.

L’enjeu ? L’opinion publique monégasque, dans un contexte où les grands projets s’enlisent et où la vacance au sommet de l’État commence à peser. Les élus misent sur la transparence et l’interpellation directe. Le gouvernement privilégie les canaux institutionnels et le travail en interne.

Le calendrier est serré : les réunions de juin entre exécutif et législatif s’annoncent cruciales. D’autant que les élus ont programmé une réunion publique dès le 10 juin sur la « priorité nationale » – nouvelle initiative de dialogue direct avec les citoyens.

Com’pol

Ce que révèle cette séquence, c’est la professionnalisation de la communication politique à Monaco. Exit les arrangements discrets de palais, place aux conférences de presse filmées et aux communiqués percutants.

Thomas Brezzo et ses équipes maîtrisent parfaitement les codes : vidéo sur les réseaux sociaux pour dénoncer l’état du centre commercial, timing médiatique calculé, formules choc (« situation intolérable », « retour vers le futur »)…

Face à eux, un gouvernement qui réagit par les canaux officiels : communiqué institutionnel, rappel des procédures, appel au « respect mutuel ». Deux approches qui reflètent des conceptions différentes du dialogue politique.

L’avenir institutionnel en question

Au-delà du spectacle, cette crise pose la question de la gestion efficace d’une principauté moderne avec un exécutif en intérim depuis plus de quatre mois ? Comment articuler le contrôle démocratique par le Conseil National et l’efficacité gouvernementale ?

Les prochaines semaines seront décisives. Soit les protagonistes trouvent un modus vivendi lors des réunions de juin, soit l’escalade se poursuit avec, à l’extrême, le risque d’une paralysie.


Les réunions entre le gouvernement et le Conseil national sur les dossiers CTVD et centre commercial de Fontvieille sont programmées pour juin 2025. Une réunion publique sur la priorité nationale aura lieu le 10 juin à 18h30 dans l’hémicycle du Conseil national.

copyright MMXXIII Pages Monaco