Une menace mondiale pour les écosystèmes marins
Le Centre Scientifique de Monaco (CSM) se trouve au cœur de la mobilisation scientifique face à ce que les experts qualifient désormais comme « l’événement de blanchissement corallien le plus intense jamais observé ». Selon les dernières données de l’Initiative Internationale pour les Récifs Coralliens (ICRI), 84% des récifs coralliens de la planète sont actuellement touchés par ce phénomène alarmant, affectant 82 pays et territoires à travers le monde.
Didier Zoccola, biologiste marin et chargé de recherche dans l’équipe physiologie/biochimie coralliennes du CSM, ainsi qu’initiateur du Conservatoire Mondial du Corail, nous éclaire sur cette catastrophe écologique en cours.
Un phénomène d’ampleur inédite
« Ce n’est pas le premier épisode de blanchissement massif, mais celui-ci est exceptionnel par sa durée, son ampleur géographique et son intensité thermique », explique M. Zoccola. Officiellement déclaré en avril 2024, cet événement, le quatrième à l’échelle mondiale, perdure depuis janvier 2023 et touche simultanément les récifs de l’Atlantique, de l’océan Indien et du Pacifique.
La gravité de la situation a même poussé les scientifiques à créer trois nouveaux niveaux d’alerte sur l’échelle de mesure du blanchissement, le niveau maximal (niveau 5) indiquant désormais un risque de mortalité supérieur à 80% pour l’ensemble des coraux d’un récif.
Causes et conséquences
Le principal facteur de ce blanchissement est le réchauffement anormal de la surface des océans, amplifié cette année par le phénomène climatique El Niño. « À cela s’ajoute le changement climatique global qui fait grimper les températures océaniques de façon constante », précise le chercheur monégasque.
Ce réchauffement provoque l’expulsion des zooxanthelles, microalgues symbiotiques qui fournissent aux coraux énergie et couleur. Privés de ces partenaires essentiels, les coraux pâlissent et s’affaiblissent. Si les conditions défavorables persistent trop longtemps, ils finissent par mourir.
M. Zoccola souligne également le double impact du CO₂ : « Non seulement il contribue au réchauffement global, mais il acidifie aussi les océans, affectant la capacité des coraux à former leur squelette calcaire indispensable à leur croissance. »
L’engagement de Monaco pour la protection des coraux
Face à cette menace, Monaco intensifie ses efforts à travers plusieurs initiatives, notamment le Conservatoire Mondial du Corail. Ce projet ambitieux vise à conserver vivantes la majorité des espèces de coraux connues dans un réseau d’aquariums partenaires, tout en favorisant la recherche collaborative internationale.
« Plusieurs leviers d’action existent », rappelle Didier Zoccola. « À l’échelle mondiale, la réduction des émissions de gaz à effet de serre reste le seul moyen de limiter durablement le réchauffement. Localement, nous pouvons protéger les récifs en limitant la pollution, en encadrant la pêche et en prévenant le tourisme destructeur, notamment à travers les aires marines protégées. »
Le Centre Scientifique de Monaco contribue également à la restauration active des récifs via des nurseries de coraux, des transplantations, et des recherches sur des coraux plus résistants.
Un enjeu vital
Rappelons que les coraux sont bien plus que de simples organismes marins colorés : ils abritent près de 30% de la biodiversité connue des océans et jouent un rôle crucial pour plus de 500 millions à un milliard de personnes qui en dépendent directement ou indirectement. Sources de nourriture, de revenus, et véritables remparts naturels contre l’érosion, leur préservation constitue un enjeu environnemental, économique et social majeur.
Alors que 2023 a été l’année la plus chaude jamais enregistrée, dépassant 1,5°C au-dessus des niveaux préindustriels, l’urgence d’agir n’a jamais été aussi pressante. Le message des scientifiques monégasques est clair : sans action immédiate et concertée, l’avenir des « forêts tropicales des mers » et des innombrables espèces qu’elles abritent est gravement menacé.
Pour plus d’informations sur les travaux du Centre Scientifique de Monaco et le Conservatoire Mondial du Corail, visitez www.centrescientifique.mc