Accueil Police-justice Affaire Rybolovlev : la Cour d’appel de Monaco annule toute la procédure

Affaire Rybolovlev : la Cour d’appel de Monaco annule toute la procédure

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La justice monégasque a acté, le 27 février 2025, l’annulation totale de la procédure pénale engagée contre le milliardaire Dmitri Rybolovlev. Réunie en chambre du conseil, la Cour d’appel de Monaco a annulé la totalité des pièces de fond de la procédure, mettant fin à huit années de poursuites judiciaires. Cette décision, prise sur requête des juges d’instruction et avec l’accord du Parquet général, clôt un dossier qui a tenu en haleine la Principauté pendant près d’une décennie.

Une affaire vieille de 10 ans

L’affaire dite Rybolovlev trouve son origine en 2015, lorsque Dmitri Rybolovlev – propriétaire du club de football AS Monaco – accuse le marchand d’art suisse Yves Bouvier de l’avoir escroqué d’environ un milliard de dollars dans la vente de tableaux de maîtres. Ce litige commercial, centré notamment sur la célèbre toile Salvator Mundi de Léonard de Vinci, déclenche une bataille juridique aux ramifications internationales. Parallèlement, le dossier prend une tournure inattendue à Monaco : en cherchant à prouver des collusions autour de l’affaire Bouvier, des soupçons de corruption apparaissent impliquant Rybolovlev et des officiels monégasques.

En 2017, l’avocate de M. Rybolovlev, Me Tetiana Bersheda, remet volontairement son téléphone aux enquêteurs monégasques afin de prouver qu’un enregistrement audio versé au dossier n’avait pas été altéré. Le juge d’instruction de l’époque, Édouard Levrault, ordonne alors une expertise approfondie du téléphone. Cette analyse permet d’exhumer des milliers de messages, y compris certains échanges que Me Bersheda avait supprimés, révélant des communications entre le clan Rybolovlev et de hauts responsables de la Principauté. Sur la base de ces éléments, Dmitri Rybolovlev et son avocate sont inculpés en 2018 pour corruption active et trafic d’influence, aux côtés de plusieurs personnalités monégasques. Figurent parmi les co-inculpés l’ancien directeur des Services judiciaires (et ex-secrétaire d’État à la Justice) Philippe Narmino, l’ex-ministre de l’Intérieur Paul Masseron, l’ancien procureur général Jean-Pierre Dreno, ainsi que trois ex-cadres de la police monégasque. Tous ont toujours nié tout acte répréhensible, tandis que la validité de l’expertise téléphonique devenait le point névralgique du dossier.

La décision de la Cour d’appel

Le 6 juin 2024, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a rendu un arrêt unanime qui a bouleversé le cours de l’affaire. La CEDH a jugé que la fouille et l’exploitation du téléphone de Me Bersheda constituaient une atteinte disproportionnée à la vie privée, violant l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme. En d’autres termes, l’expertise téléphonique ordonnée en 2017 a été déclarée illégale par la juridiction européenne, ce qui fragilisait l’ensemble des poursuites fondées sur ces données.

C’est dans ce contexte qu’intervient la décision de la Chambre du conseil de la Cour d’appel de Monaco. Tirant les conséquences de l’arrêt de la CEDH, la Cour d’appel a prononcé l’annulation de toutes les pièces du dossier liées à l’analyse du téléphone, considérant ces éléments comme nuls et inexploitables. Concrètement, cette annulation englobe l’ensemble des actes de procédure issus de ces preuves, y compris l’ouverture de l’information judiciaire et les inculpations découlant de ces éléments. Autrement dit, la base même du dossier pénal étant invalide, les charges qui pesaient sur Dmitri Rybolovlev et ses co-prévenus se retrouvent entièrement annulées. La justice monégasque a ainsi suivi la voie tracée par la CEDH et par les autorités suisses – lesquelles avaient déjà classé sans suite une procédure liée à ces faits fin 2024 en raison du caractère illicite des preuves téléphoniques.

Pas de recours du Parquet

Avec cette décision, l’épilogue judiciaire de l’affaire Rybolovlev est atteint. Un hypothétique pourvoi en révision étant désormais écarté, la perspective d’un procès retentissant s’envole définitivement. Le Parquet général de Monaco n’a en effet formé aucun pourvoi en révision contre l’arrêt de la Cour d’appel, entérinant de fait l’abandon des poursuites. La décision de la Cour d’appel acquiert donc un caractère définitif et conduit à la clôture totale du dossier.

Plus aucune charge ni procédure pénale n’est donc en cours à Monaco à l’encontre de Dmitri Rybolovlev ou de Tetiana Bersheda. L’affaire Rybolovlev, qui avait éclaboussé de hauts responsables du Rocher et focalisé l’attention médiatique pendant des années, se conclut donc sans procès.

Le procureur général prend acte de la décision de la chambre du conseil de la cour d’appel de Monaco de prononcer l’annulation de la totalité des pièces de fond de la procédure suivie des chefs de trafic d’influence actif et passif, corruption passive par un agent public national, corruption active sur agents publics nationaux, prise illégale d’intérêts, violation du secret professionnel, et complicité et recel, à I’encontre de Régis Asso, Tetiana Bersheda, Jean-Pierre Dreno, Frédéric Fusari, Christoph Haget, Pau[ Masseron, Antoine Narmino, Christine Giudici épouse Narmino, Philippe Narmino et Dmitriy Rybolovlev.

La décision de la cour d’appel, qui a estimé que I’autorité de la chose jugée ne pouvait être invoquée, est conforme sur le fond à ce qui avait été requis par le parquet, qui ne formera pas de pourvoi en révision.

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