Accueil Social-santé Polluants chimiques et cancers pédiatriques : le CSM lance l’alerte

Le CSM vient de de publier, en collaboration avec le Boston College, une étude en santé publique sur le lien entre l’augmentation des cancers pédiatriques et les pollutions chimiques de tous ordres.

Dans cet article, le Pr Philip Landrigan, Directeur du Global Observatory on Planetary Health au Boston College et Chargé de Mission au sein du Pôle Santé Humaine du CSM, évoque l’évolution des cancers pédiatriques au cours des 50 dernières années.

Les traitements progressent… Mais le cancer aussi !

Des progrès spectaculaires dans le traitement des cancers de l’enfant ont été obtenus grâce aux avancées remarquables en médecine, chirurgie et biologie fondamentale. Malheureusement, en même temps que les décès par cancer chez l’enfant diminuaient grâce à de meilleurs traitements, l’incidence du cancer chez l’enfant augmentait.

Aux États-Unis, l’incidence de la leucémie a augmenté de 21 % depuis 1976, celle du cancer du cerveau de 45 % et celle du cancer des testicules de 51 %. Le cancer est désormais la première cause de décès par maladie chez les enfants américains de moins de 15 ans.

L’environnement en cause

Trop rapide pour être d’origine génétique, cette augmentation continue de l’incidence des cancers pédiatriques ne peut être expliquée uniquement par un plus ample accès aux soins médicaux ou la disponibilité de plus en plus répandue de nouvelles technologies de diagnostic. La conclusion s’impose : des facteurs externes, environnementaux, doivent être responsables d’une partie de cette augmentation.

Il est de plus en plus évident que les expositions environnementales, et en particulier les expositions aux produits chimiques manufacturés, sont en fait des facteurs importants de cancer chez l’enfant, et en particulier les expositions au cours des 1 000 premiers jours de la vie.

Polluants chimiques : tous contaminés !

Les enfants d’aujourd’hui sont entourés d’environ 350 000 produits chimiques et mélanges chimiques manufacturés. Il s’agit de matériaux nouveaux, presque tous inventés depuis 1950, produits en quantités énormes. Le volume de la production mondiale est en passe de doubler d’ici 2030. Les produits chimiques manufacturés polluent désormais tous les coins de la planète, des fosses océaniques les plus profondes aux hauteurs de l’Himalaya.

Plusieurs centaines d’entre eux se retrouvent en quantités mesurables dans le corps de presque toutes les personnes sur terre, y compris les mères allaitantes, les nourrissons et les enfants.

Des polluants présumés innocents

Véritable « crise chimique », une des causes est que dans la plupart des pays, les produits chimiques fabriqués sont présumés inoffensifs jusqu’à ce qu’il soit prouvé qu’ils provoquent des maladies ou des dommages environnementaux et sont mis sur le marché avec peu ou pas d’évaluation de leurs dangers potentiels.

Le résultat est que, à maintes reprises, des produits chimiques manufacturés se sont avérés – parfois après des années, voire des décennies d’utilisation – avoir causé de grands dommages à la santé des enfants et à l’environnement.

Dans tous les pays, les politiques en matière de produits chimiques doivent désormais être fondées sur le principe de précaution, qui suppose que tous les produits chimiques fabriqués sont dangereux jusqu’à ce qu’il soit prouvé qu’ils sont sûrs, et sur la doctrine de l’utilisation essentielle, qui stipule que les nouveaux produits chimiques ne peuvent être mis sur le marché que si leur utilisation est jugée essentielle.

En bref, une nouvelle approche de la gestion des produits chimiques axée sur la protection de la santé doit intégrer le principe « Pas de données, pas de marché », déjà énoncé dans l’Union européenne dans sa législation REACH, qui exige que tous les nouveaux produits chimiques fabriqués soient soumis à des tests de sécurité et de toxicité avant d’être autorisés à entrer sur les marchés, et que tous les produits chimiques existants soient testés – en commençant par les plus mauvais – afin de déterminer s’ils doivent rester sur les marchés.

Un ennemi invisible

Les personnes qui s’occupent d’enfants sont très préoccupées par le fait que les substances chimiques cancérigènes identifiées à ce jour ne représentent probablement qu’une petite fraction des cancers causés chez les enfants par des produits chimiques manufacturés. Il est presque certain qu’il existe d’autres produits chimiques cancérigènes dans l’environnement moderne.

Nous ne savons pas quels produits chimiques peuvent causer le cancer. Nous volons sans radar.

Ils sont cachés parmi les milliers de produits chimiques manufacturés auxquels les enfants sont exposés chaque jour. Cependant, comme la plupart de ces produits chimiques n’ont jamais fait l’objet de tests d’innocuité ou de toxicité, nous ne savons pas lesquels d’entre eux peuvent causer le cancer ou lesquels peuvent être à l’origine de l’augmentation de l’incidence du cancer. Nous volons sans radar.

Un appel à la vigilance 

Le temps est venu pour les communautés de l’oncologie et de la santé publique de s’unir pour faire face ensemble à l’augmentation de l’incidence du cancer chez l’enfant.

Nous ne pouvons plus nous concentrer presque exclusivement sur les traitements du cancer, nous ne pouvons plus considérer les tendances à la hausse de l’incidence du cancer comme des artefacts diagnostiques ou la conséquence d’un meilleur signalement.

Nous devons au contraire déployer des programmes de recherche axés sur la prévention, destinés à découvrir les causes environnementales des tumeurs malignes chez l’enfant, et mettre en œuvre des politiques scientifiques axées sur la prévention du cancer, mais également de renforcer la recherche sur les cancers pédiatriques.

Article original : Publication en Biologie Médicale – Equipe Pôle Santé Humaine
Photo : Pr. Philip Landrigan, DR

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