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Début 2015, le milliardaire russe Dmitri Rybolovlev, installé à Monaco, dépose une plainte contre le marchand d’art suisse Yves Bouvier. Il l’accuse d’avoir empoché à son insu un milliard de dollars en lui vendant durant une douzaine d’années 38 tableaux de Gauguin, Van Gogh, Picasso,Rothko, notamment le Salvator Mundi, de Léonard de Vinci, devenu, pour 450 millions de dollars, lors de sa revente en 2017, la toile la plus chère du monde. Le 25 février 2015, Yves Bouvier, incarcéré quelques jours, est inculpé à Monaco (on ne dit pas mis en examen dans la principauté) pour « escroquerie » et « complicité de blanchiment d’argent ».
La presse internationale – et notamment française – se déchaînait alors sur Yves Bouvier, le présentant notamment comme le propriétaire des Ports francs de Genève, alors que ceux-ci appartiennent, en fait, au canton de Genève. Il n’en est que l’un des utilisateurs. Une autre plainte, déposée juste après, par Catherine Hutin-Blay, la belle-fille de Picasso, l’accuse de lui avoir volé des tableaux ! Depuis, les enquêtes ont démontré que Catherine Hutin-Blay a bien perçu de l’argent d’Yves Bouvier via une fondation lui appartenant, domiciliée au Liechtenstein. En revanche, les médias fermaient les yeux sur le passé controversé de Dmitri Rybolovlev en Russie, en particulier sur ses acquisitions industrielles, qui lui ont permis d’accumuler des milliards.
Le marchand d’art suisse est blanchi
Le plus invraisemblable dans cette affaire, qui a bouleversé le marché de l’art international, c’est qu’à aucun moment le patron de l’AS Monaco n’a pu apporter de preuves qu’Yves Bouvier l’avait véritablement escroqué. Certes, ce dernier réalisait parfois des marges copieuses entre l’achat des œuvres d’art et leur revente. Mais s’agit-il d’une tromperie lorsqu’un garagiste achète une voiture 15 000 euros et vous la revend le lendemain 22 000 euros ? Sauf qu’il s’agit là de transactions portant sur des millions. En 2019, la procédure pour escroquerie est annulée à Monaco. La cour d’appel constate que « l’ensemble des investigations ont été conduites de manière partiale et déloyale ». L’ancien ministre de la Justice et l’ancien ministre de l’Intérieur monégasques sont mis en cause, ainsi que plusieurs hauts dirigeants policiers.
Dmitri Rybolovlev et son avocate sont soupçonnés d’avoir commandité les enquêtes menées par la justice et la police de la principauté. À son tour, la justice genevoise, par une ordonnance de classement le 15 septembre 2021, rejette l’accusation d’escroquerie sur la vente de dizaines de chef-d’œuvre vendus par Yves Bouvier à l’oligarque russe. Le procureur suisse Yves Bertossa souligne que le comportement d’Yves Bouvier est « largement critiquable », mais il souligne, selon La Tribune de Genève, que les affirmations mensongères du Russe « n’ont pas été étayées par la production de faux documents ou par des montages complexes invérifiables ». Dmitri Rybolovlev, dans un communiqué, a annoncé qu’il déposait un recours à la chambre pénale de recours. Cet été, il avait déjà déposé un autre recours, en déni de justice, pour dénoncer la « passivité » du procureur Yves Bertossa. C’est au tour, cette fois, d’Yves Bouvier de se retourner contre son ancien client pour lui réclamer des centaines de millions. Depuis 2015, cette affaire a mis un coup d’arrêt à son activité de marchand d’art.
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